mardi 2 juillet 2013

Égypte : le président Morsi rejette l'ultimatum de l'armée



Le président égyptien Mohamed Morsi a rejeté l'ultimatum fixé par l'armée qui lui donnait 48 heures pour trouver une solution à la crise. Face à la contestation, six ministres de son gouvernement ont démissionné.



Mohamed Morsi ne fléchit pas. Le président égyptien a rejeté mardi 2 juillet au matin l’ultimatum lancé par l’armée qui lui donnait 48 heures pour trouver une solution à la crise politique, faute de quoi elle reprendrait les rênes du pays. Assurant qu’il n’avait pas été consulté, le chef de l’État a également estimé que le communiqué de l'armée contenait des déclarations dont "la portée pourrait semer la confusion".

Le président se retrouve par ailleurs en difficulté sur le plan politique. Pas moins de six ministres de son gouvernement ont annoncé leur démission entre lundi et mardi, renforçant l’impression de délitement du pouvoir exécutif. Mais aucun de ces ministres n’appartient à la confrérie islamiste.

Face à l'aggravation de la crise, le président américain Barack Obama a téléphoné à Mohamed Morsi pour lui exprimer son inquiétude. Il lui a en outre indiqué que Washington était attaché "au processus démocratique en Egypte et ne soutenait aucun parti ou groupe".




L’armée s’en mêle

Déclarant la nation en danger, le chef d'état-major de l'armée, le général Abdel Fatah al Sisi, nommé à son poste par Mohamed Morsi, avait précisé lundi dans une allocution solennelle que les forces armées laissaient 48 heures aux dirigeants politiques pour "satisfaire les demandes du peuple". "Si les exigences du peuple ne sont pas satisfaites durant cette période (de quarante-huit heures), elles seront contraintes, en raison de leurs devoirs historiques et nationaux, par respect pour les demandes du grand peuple égyptien, d'annoncer une feuille de route et des mesures pour l'avenir(...)", a-t-il ajouté.

L'armée, qui a conduit la transition pendant dix-sept mois entre la chute du président Hosni Moubarak en février 2011 et l'élection de M. Morsi en juin 2012, ne s'impliquerait pas directement cette fois en politique ou au sein du gouvernement, a souligné le général. Mais elle superviserait la mise en œuvre de cette feuille de route "en collaboration avec tous les groupes et les mouvements loyaux de la nation, y compris les jeunes qui ont été et restent à l'origine de la glorieuse révolution".

L’initiative de l’armée témoigne de l’escalade dans la crise politique que vit l’Egypte confrontée à plusieurs jours de contestation. Dimanche, plusieurs millions de personnes étaient descendues dans les rues du pays pour exiger la démission du président Morsi, issu des Frères musulmans et accusé aujourd’hui de dérive autoritaire par l’opposition libérale.

Mais le président égyptien ne l’entend pas ainsi. Affirmant que "l'Egypte ne permettra absolument aucun retour en arrière quelles que soient les circonstances", Mohamed Morsi s'est posé lui-même en garant de la "réconciliation nationale" et de la "paix sociale", alors que l'armée avait déclaré la semaine dernière qu'elle ne laisserait pas le pays "plonger dans un tunnel sombre de conflit et de troubles". Mais le principal bloc d'opposition, le Front de salut national (FSN), avait déclaré lundi soir qu'il ne voulait plus discuter avec Morsi, qu'il ne juge plus légitime, et désigné Mohamed ElBaradeï comme son représentant dans d'éventuelles discussions avec l'armée.

"L'armée s'est rangée au côté du peuple"

L'opposition en effet n'a pas caché sa satisfaction. Une clameur s'est élevée de la foule rassemblée place Tahrir emblème de la révolution quand des hélicoptères de l'armée ont survolé la place en déployant des drapeaux égyptiens. "L'armée s'est rangée au côté du peuple", a estimé le mouvement Tamarrod (rébellion en arabe), à l'origine de manifestations monstres dimanche.

La déclaration des militaires a aussi été saluée par des acclamations de la part des manifestants anti-Morsi rassemblés devant le palais présidentiel et louée par le Front de salut national (FSN), qui réclame depuis des mois la formation d'un gouvernement d'union nationale.

Pour l'ancien ministre des Affaires étrangères et ex-candidat libéral à l'élection présidentielle Amr Moussa, l'annonce de l'armée répond aux voeux de la population. "C'est une occasion historique qu'il ne faut pas laisser passer", a-t-il dit.

Les Frères resserrent les rangs autour de Morsi

De leurs côtés les Frères musulmans font bloc autour du président contesté. "L'époque des coups d'Etat militaires est révolue", a ainsi déclaré Yasser Hamza, l'un des dirigeants du Parti de la liberté et de la justice (PLJ), émanation des Frères musulmans, tandis qu'une alliance de partis islamistes appelait dans la nuit à des manifestations de soutien à Morsi pour "défendre la légitimité et exprimer un rejet de tout coup d'Etat".

L'Alliance nationale de soutien de la légitimité a ajouté qu'elle "rejette formellement et catégoriquement les menées de certains visant à utiliser notre grande armée pour agresser la légitimité" d'une manière qui, poursuit-elle, conduirait à "un coup d'Etat contre les institutions légitimes et la volonté du peuple".

Par ailleurs, face à la multiplication des attaques contre les sièges de la confrérie et notamment celui du Caire où des heurts meurtriers ont eu lieu dimanche, le porte-parole des Frères musulmans Gehad El Haddad, n'a pas exclu la reconstitution des "comités d'autodéfense" créés durant la révolution de 2011.

Au moins 16 personnes ont été tuées et 800 autres blessées depuis dimanche dans des heurts en marge des manifestations. La grande institution islamique Al-Azhar, basée au Caire, a indiqué craindre "un nouveau bain de sang".  Après avoir récolté 22 millions de signatures pour une pétition réclamant le départ du président accusé de dérive autoritaire et de laisser la mainmise aux Frères musulmans sur le pays, Tamarrod a donné à M. Morsi jusqu'à mardi 17H00 (15H00 GMT) pour quitter le pouvoir. En cas de refus, le mouvement a annoncé "une campagne de désobéissance civile totale".

Source: France24

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