lundi 1 septembre 2014

Face à l'avancée de l'EI en Irak, la peur gagne l'Iran

L’avancée des jihadistes de l’État islamique dans l'est de Irak fait peur à la population iranienne. De folles rumeurs relayées par SMS font notamment redouter aux autorités un début de psychose.

Depuis quelques semaines un étrange SMS circule en Iran. Il indique que des dattes empoisonnées "aux produits chimiques" par des militants de l’organisation de l’État islamique ont été introduites sur le marché iranien. La rumeur s’est propagée à une telle vitesse que les autorités sanitaires iraniennes ont dû publier un démenti. "Les dattes du marché iranien sont des dattes produites en Iran" a rappelé le directeur de l’organisation de la sécurité des aliments et médicaments iranien Rassoul Dinarvand, selon le site iranien Khabaronline.

Les Iraniens ont pour habitude de tourner les pires nouvelles en dérision, mais cette fois le message n’a rien d’ironique, peu importe qui en a été l’émetteur, la propagation du SMS montre que la peur est bien réelle.

L’État iranien, bien conscient que la guerre qui se joue est psychologique, dénonce à travers sa radio-télévision officielle IRIB la diffusion de "fausse information visant à remonter le moral aux terroristes de Daech (terme péjoratif désignant l’EI, ndlr) très éprouvés par les frappes et les attaques de l'armée irakienne". D’après le communiqué, "une source sécuritaire bien informée", ajoute que le renseignement iranien "très actif, maîtrise totalement la situation aux bordures du pays. L'Iran est à tout moment prêt à réprimer violemment toute tentative de rapprochement des terroristes des frontières du pays". L’Iran semble paré à livrer bataille dans cette guerre dont le théâtre n’est pas seulement le terrain, mais aussi l’opinion.

La crainte de voir l’EI arriver aux frontières iraniennes a fait monter davantage cette psychose, faisant resurgir chez les Iraniens les pires souvenirs d’une guerre Iran-Irak qui a duré huit ans (1980 -1988) et qui a fait au moins 500 000 morts côté iranien.

L’Iran dans la ligne de mire de l’EI

En effet, la prise de Djalaoula en Irak par les jihadistes de l’EI le 11 août, a fait trembler jusqu’à Téhéran, car la ville irakienne ne se situe qu’à une trentaine de kilomètres de la frontière avec le voisin iranien. Les peshmerga - kurdes irakiens - tentaient toujours de reprendre la ville dimanche 31 août.

C’est la première fois que l’EI menace l’Iran de si près. Et cette bataille est symbolique, tant pour les militants de l’EI que pour les Iraniens, car c’est à Djalaoula que les Arabes ont remporté un combat d’importance contre les Perses en 637. Une victoire qui a  permis quelques années plus tard, l’invasion de l’empire perse par les musulmans.

Si l’Iran est dans la ligne de mire de l’EI, c’est surtout parce que la République islamique d’Iran est chiite, les chiites étant considérés comme des hérétiques qu’il faut éliminer. Par ailleurs l’Iran est un fidèle soutien du régime de Bashar al-Assad et de l’État irakien. Et certains prêtent à l'EI des prétentions territoriales en Iran.

Des jihadistes iraniens aux côtés de l’EI

Autre sujet d'inquiétude à Téhéran, des articles diffusés dans la presse iranienne font état de la présence de plusieurs Iraniens aux côtés des jihadistes sunnites, même si ce phénomène reste peu répandu.

L’une des craintes des Iraniens est que, comme en Irak, les jihadistes de l’EI s’introduisent en s’attirant la sympathie des minorités sunnites, souvent discriminées, qui résident dans les régions frontalières, le Kurdistan à l’Ouest, et Balouchistan à l’Est. L’Iran aurait alors à se battre sur deux fronts.

Un ralliement des minorités sunnites peu probable

Mais ce scénario de soulèvement sunnite semble bien peu propable. Pour le journaliste kurde iranien Saman Rasoulpour, une poussée de l’EI au sein de la région kurde iranienne est très peu probable. Et pour cause, seule une minorité de Kurdes iraniens pourraient se rallier à l’idéologie de l’EI car "la plupart des Kurdes ont une culture laïque" explique-t-il. Il se souvient pourtant avoir croisé des "salafistes" au Kurdistan iranien au début des années 2000 alors qu’il y vivait encore. "Ils distribuaient des CD de propagande pour faire le jihad, mais à l’époque déjà, ils avaient assez peu d’influence", ajoute le journaliste.

Le cas du Baloutchistan iranien, à la frontière avec le Pakistan, à l’est du pays, est plus sérieux. La province, peuplée de sunnites, est en proie à des attentats et des enlèvements revendiqués par le groupe islamiste Jaish ul-Adl (JUA). Le groupe séparatiste a même lancé un ultimatum à l’État iranien le 22 août, l’invitant à quitter le Baloutchistan iranien avant le printemps. Si JUA se rapproche de l’EI dans son radicalisme sunnite, l’objectif final du groupe islamiste reste la constitution d’un Baloutchistan autonome, bien loin l’idée de rallier un grand califat.

Source: france24

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